Teneurs et espoirs d’un monde d’après la catastrophe
« Il y a dans cette pièce de Patrick Kermann, écrite en 1994, des parfums de catastrophe, relents des récents conflits du Golfe et de l’ex-Yougoslavie.
Enfin créé dans les conditions du spectacle après de nombreuses lectures, mises en onde et mises en espace, De quelques choses vues la nuit, poème dramatique librement versifié, s’inscrit dans le courant des recherches menées par Michel Deutsch ou Didier Georges Gabily, ces cris de colère, ces appels à la raison d’hommes clairvoyants et décidés à en découdre avec la marche inacceptable du monde. En ce sens, la pièce, successions de fragments dont plusieurs sont splendides, est une œuvre importante et nécessaire.
Elle est servie par une troupe de seize acteurs, solistes, duettistes ou choristes dont la plupart sont irréprochables, et d’autant plus encore que plusieurs doutent changer de peau et de lieu à la vitesse de l’éclair, rejoignant à la course les décors plantés sur tout le domaine de la Chartreuse. À la manœuvre, Solange Oswald et celui qui fut son élève, Guy Martinez. Ils ont su donner à l’ensemble une cohérence et, souvent, une force inattendue ».
Olivier SCHMITT
Le Monde, 18/07/1997
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« Tu n’as rien vu à Hiroshima… ” :
cet incipit signé Marguerite Duras au film légendaire d’Alain Resnais trottait dans ma tête hier soir, entre Villeneuve et Avignon. Je revenais de la Chartreuse où le groupe Machine Arrière sur un texte (des lambeaux de textes faudrait-il dire) de Patrick Kermann venait de présenter, avec une santé et une conviction confondantes ce spectacle pérégrinant qui a pour titre De quelques choses vues la nuit, mis en scène par Solange Oswald et Guy Martinez.
Pas facile de parler sereinement de ces quatre-vingts minutes qui plongent les cinquante spectateurs retenus pour chaque prestation dans un univers où la folie le dispute à la dérision pour déboucher sur l’émotion. Et où dominent l’inquiétude, la peur, la déraison, dérèglement des sens comme du langage. Bêtes curieuses qu’on nous montre, solitaires ou par paires, ces survivants d’on ne sait quelle catastrophe (explosion nucléaire ? Heurt d’un météorite ? Invasion d’extraterrestres ? Qui pourra, et voudra, jamais savoir ? (…) déversent sur nous une logorrhée plus ou moins compréhensible parfois trop longue, souvent hilarante, quelquefois effrayante (…).
Ni pessimiste, ni optimiste, ce spectacle, résolument moderne de langage et de forme vaut d’être suivi (…) ».
Gabriel VIALLE
La Marseillaise, 17 juillet 1997