Génie du proxénétisme

Génie du proxénétisme

de Charles ROBINSON

Objet nocturne numéro 

21
1h15
création 2010

Notes & textes 

Génie du proxénétisme
Où la question se pose : notre rapport au marché est-il sexuel ?

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À propos du livre “ Génie du proxénétisme ” de Charles Robinson

Le fondateur et patron d’une entreprise pas comme les autres raconte comment il a réussi à redynamiser une région française qui sombrait dans la misère économique, sociale et culturelle. Son coup de génie : « la Cité », un bordel d’un genre nouveau, sorte de cité idéale. Ici la religion n’est pas le christianisme*, mais l’économie de marché, et le premier des sacrements est le prêt bancaire.

Poussant la logique libérale jusqu’à ses dernières extrémités, Génie du proxénétisme nous vante les mérites du plaisir tarifé, et nous raconte par le menu non seulement la gamme des prestations offertes au client roi, mais aussi la course d’obstacles nécessaire à l’obtention des autorisations et surtout des subventions diverses (commune, région, État, Communauté européenne). « La différence fondamentale entre capitalisme et socialisme c’est que le premier, ça marche ».

Sous les apparences d’un bréviaire du capitalisme contemporain, ce roman époustouflant est une bombe à retardement contre la logique qu’il semble vouloir soutenir. Un bijou d’ironie corrosive. Le livre Génie du proxénétisme présente le libéralisme et son management comme une nouvelle religion globalisée de l’occident avec tous les attributs rituels et liturgiques du christianisme.

La pensée managériale s’est répandue dans le monde comme un nouveau rêve religieux, plus efficacement que toutes les croisades et révolutions avant lui. Cet empire est une dictature sans dictateur apparent, elle a créé ses cultes (la technique, la science et l’économie) et ses liturgies.

* Le Génie du Christianisme de CHATEAUBRIAND,
formidable texte de propagande, apparaît régulièrement sous forme de brefs extraits.

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Le Groupe Merci aime à faire découvrir les auteurs qui par leurs écrits témoignent de nos catastrophes et de nos probables mutations.

Plutôt qu’un réquisitoire contre les valeurs néo-libérales (qui ne prêcherait que des convaincus), Génie du proxénétisme est une apologie qui pousse à son terme la logique du marché. Une apocalypse (comme la révélation et l’annonce d’un nouveau monde) cinglante et joyeuse à la fois !

> Vous vous glisserez à l’intérieur du monde des affaires (un monde cruel et attirant) !
> Vous assisterez à la création d’un pari fou comme si vous étiez les pionniers d’une aventure destinée à sauver une région sinistrée par la pauvreté et l’abandon !
> Vous vous identifierez de l’intérieur aux idéaux et aux rites de ceux qui se présentent comme de nouveaux croisés !
> Comme des officiants vous participerez à leur culte et à leur liturgie envoûtante !
> Érotisés par leurs promesses de bonheur (le paradis sur terre) vous deviendrez sans doute vous aussi de nouveaux adeptes…

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Les mots qui jaillissent de l’entreprise capitaliste créent des lésions invasives, ils se répandent, et très vite ils forment une fine pellicule en surface de nos cultures, ils en coupent la lumière et en asphyxient les profondeurs.

Il semble impossible de résister aux mots cultivés jour après jour, dans ces laboratoires où s’optimise l’immense production matérielle de la planète.

Les entendre reste cependant difficile, car, aussitôt prononcés, ils usinent en nous leurs propres défenses, ils se fondent, se cachent, nous transforment.

Ces mots semblent inscrire à même notre chair l’ironie qu’ils colportent.

Écoutons-les ces mots, observons en nous la limite qu’ils vont repousser inexorablement, en route pour fabriquer les prochains monstres.

Joël FESEL

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Extrait

Le capitalisme est une aventure sexuelle. […] Une aventure libidinale. Nous assistons à cet étrange paradoxe où notre société prétend être libérale sur les mœurs (encore que ça tire un peu), et conservatrice en économie. Le genre de contradiction que l’on maquille en exception culturelle française.”

« Tant qu’il n’y aura que la Thaïlande comme acteur sérieux sur le marché, on ne verra pas émerger un tourisme sexuel équitable. Le monopole incite à la paresse ; seule la concurrence peut pousser le marché à relever ses normes qualité. »

Charles ROBINSON

Générique 

D’après :
Génie du Proxénétisme
de Charles Robinson
Éd. Seuil, Fiction et Cie, 2008.

Mise en scène : Solange OSWALD
Scénographie, installation : Joël FESEL
Collaboration dramaturgique : Julien GOUPIL
Lumière et régie générale : Cyril MONTEIL
Installation et régie du son : Stéphanie HUBERT
Accessoires et collaboration plastique : Christine SOLAÏ
Production, administration : Sophie-Danièle GODO

Avec :
Catherine BEILIN,
Georges CAMPAGNAC,
Frédéric CUIF,
Gaetano GUINTA,
Marc RAVAYROL,
Sacha SAILLE.

Production :
Groupe Merci

Soutiens :
Conseil général de la Haute-Garonne,
ADAMI
SOFIA (copie privée).

Création le 23 septembre 2010 au Pavillon Mazar, Toulouse

Parfums de presse 

« Théâtre : “ Le capitalisme est une aventure sexuelle ”

CULTURE. Face à la crise économique, un patron d’entreprise pas comme les autres propose de redynamiser une région déliquescente en puisant dans le terreau humain. Comment ? par la création d’un bordel d’un genre nouveau, sorte de cité idéale, dans le respect de la légalité, de l’environnement et des principes du développement durable. Bienvenue dans le plaisir tarifé, le sexe sans tabou, l’orgasme à tous les coups… Plaisir garanti et discrétion assurée !

Ce temple du plaisir, imaginé par Joël Fesel, est soutenu par des colonnes turgescentes qui changent de couleur suivant le discours ? En son sein, le chef d’entreprise officie tel un homme d’Église pour exposer son projet, assisté de ses collaborateurs coincés dans une boîte renvoyant à une tribune politique ou ecclésiale. Tantôt hommes d’affaires, tantôt prêtres, tantôt prostitués, ces prêcheurs toujours à la limite de l’hystérie, sont incarnés avec une ironie corrosive par les comédiens de la troupe.

Sans pour autant être une dénonciation implacable du libéralisme financier, le nouveau spectacle du Groupe Merci s’attaque bel et bien à la faculté de ce système de métamorphoser toute valeur en un objet vendable. Pour y parvenir, Solange Oswald a travaillé avec son équipe sur le roman de Charles Robinson, calqué ironiquement sur le “ Génie du Christianisme ” de Chateaubriand. Sauf que la religion n’est pas, ici le christianisme, mais l’économie de marché.

Le pari était risqué par l’âpreté et l’indigence de la langue des affaires au cœur du texte original. C’est donc une sacrée prouesse qu’a réalisé le Groupe Merci pour le mettre en scène et susciter l’imagination du public. Au final, ce 21e Objet nocturne de la Compagnie est une véritable apocalypse cinglante et joyeuse qui détruit les arguments de ce nouveau déisme, comme Sade l’a fait dans son œuvre, tant avec la religion qu’avec la société. »

Florence GUILHEM
Libération – LibéToulouse, 15 octobre 2010

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« En quinze ans de création d’Objets nocturnes souvent ravageurs, toujours exigeants, le Groupe Merci fondé par Solange Oswald et Joël Fesel s’est imposé comme l’une des compagnies les plus remarquables de la scène toulousaine. Après Europeana, une histoire du XXe siècle, la troupe crée sur le plateau du pavillon Mazar son 21e Objet nocturne, Génie du proxénétisme, d’après le texte de Charles Robinson. Une œuvre politique à l’ironie mordante, dans laquelle l’auteur se plaît à imaginer la consommation sexuelle de masse comme la solution aux crises économiques locales, et applique les techniques et le langage de l’entreprise capitaliste au plus vieux métier du monde. Respectant une distance réfléchie au sujet sans négliger la provocation nécessaire, soutenur par une mise en scène au cordeau et portée par des comédiens impeccables, la nouvelle création du Groupe Merci se révèle aussi hilarante que propice à une réflexion critique sur nos temps. »

Direct Toulouse, 27 Septembre 2010