Génie du proxénétisme
Où la question se pose : notre rapport au marché est-il sexuel ?
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À propos du livre “ Génie du proxénétisme ” de Charles Robinson
Le fondateur et patron d’une entreprise pas comme les autres raconte comment il a réussi à redynamiser une région française qui sombrait dans la misère économique, sociale et culturelle. Son coup de génie : « la Cité », un bordel d’un genre nouveau, sorte de cité idéale. Ici la religion n’est pas le christianisme*, mais l’économie de marché, et le premier des sacrements est le prêt bancaire.
Poussant la logique libérale jusqu’à ses dernières extrémités, Génie du proxénétisme nous vante les mérites du plaisir tarifé, et nous raconte par le menu non seulement la gamme des prestations offertes au client roi, mais aussi la course d’obstacles nécessaire à l’obtention des autorisations et surtout des subventions diverses (commune, région, État, Communauté européenne). « La différence fondamentale entre capitalisme et socialisme c’est que le premier, ça marche ».
Sous les apparences d’un bréviaire du capitalisme contemporain, ce roman époustouflant est une bombe à retardement contre la logique qu’il semble vouloir soutenir. Un bijou d’ironie corrosive. Le livre Génie du proxénétisme présente le libéralisme et son management comme une nouvelle religion globalisée de l’occident avec tous les attributs rituels et liturgiques du christianisme.
La pensée managériale s’est répandue dans le monde comme un nouveau rêve religieux, plus efficacement que toutes les croisades et révolutions avant lui. Cet empire est une dictature sans dictateur apparent, elle a créé ses cultes (la technique, la science et l’économie) et ses liturgies.
* Le Génie du Christianisme de CHATEAUBRIAND,
formidable texte de propagande, apparaît régulièrement sous forme de brefs extraits.
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Le Groupe Merci aime à faire découvrir les auteurs qui par leurs écrits témoignent de nos catastrophes et de nos probables mutations.
Plutôt qu’un réquisitoire contre les valeurs néo-libérales (qui ne prêcherait que des convaincus), Génie du proxénétisme est une apologie qui pousse à son terme la logique du marché. Une apocalypse (comme la révélation et l’annonce d’un nouveau monde) cinglante et joyeuse à la fois !
> Vous vous glisserez à l’intérieur du monde des affaires (un monde cruel et attirant) !
> Vous assisterez à la création d’un pari fou comme si vous étiez les pionniers d’une aventure destinée à sauver une région sinistrée par la pauvreté et l’abandon !
> Vous vous identifierez de l’intérieur aux idéaux et aux rites de ceux qui se présentent comme de nouveaux croisés !
> Comme des officiants vous participerez à leur culte et à leur liturgie envoûtante !
> Érotisés par leurs promesses de bonheur (le paradis sur terre) vous deviendrez sans doute vous aussi de nouveaux adeptes…
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Les mots qui jaillissent de l’entreprise capitaliste créent des lésions invasives, ils se répandent, et très vite ils forment une fine pellicule en surface de nos cultures, ils en coupent la lumière et en asphyxient les profondeurs.
Il semble impossible de résister aux mots cultivés jour après jour, dans ces laboratoires où s’optimise l’immense production matérielle de la planète.
Les entendre reste cependant difficile, car, aussitôt prononcés, ils usinent en nous leurs propres défenses, ils se fondent, se cachent, nous transforment.
Ces mots semblent inscrire à même notre chair l’ironie qu’ils colportent.
Écoutons-les ces mots, observons en nous la limite qu’ils vont repousser inexorablement, en route pour fabriquer les prochains monstres.
Joël FESEL
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Extrait
“Le capitalisme est une aventure sexuelle. […] Une aventure libidinale. Nous assistons à cet étrange paradoxe où notre société prétend être libérale sur les mœurs (encore que ça tire un peu), et conservatrice en économie. Le genre de contradiction que l’on maquille en exception culturelle française.”
« Tant qu’il n’y aura que la Thaïlande comme acteur sérieux sur le marché, on ne verra pas émerger un tourisme sexuel équitable. Le monopole incite à la paresse ; seule la concurrence peut pousser le marché à relever ses normes qualité. »
Charles ROBINSON