Elles seraient sans nul doute encore et toujours contre le “mariage pour tous” ces trois «présidentes» qu’un vieux mot nommait «bigotes».
On les appellerait comment aujourd’hui ?
Le crâne bourré de préjugés, elles sont éternelles, humaines et répugnantes. Avec ce drame fécal en trois actes écrit par Werner Schwab, voyons où ça coince, où ça bouche, parlons un peu de nos occlusions. Écoutons leurs diarrhées verbales et respirons.
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Une pièce sous forme de cabaret berlinois, où trois bigotes autrichiennes se présentent. Mais le carcan de leurs principes religieux se fissure, laissant place, dans une langue provocatrice, à l’expression de leurs fantasmes scatologiques secrets. Peu à peu leur jouissance les transporte dans l’état planant idéal : l’oubli. Ce qu’elles se doivent d’oublier : le passé nazi de l’Autriche qui les a rétrécies et dont l’idéologie est toujours à l’œuvre chez leurs dirigeants, avec la complicité de l’Église. Une pièce inouïe sur le refoulé.
Dans une écriture crue, Schwab a pris plaisir à créer Erna, Grete et Marie. Ces trois bonnes femmes se parlent mais ne s’écoutent pas. La parole de l’autre n’est qu’un rebond à leur propre parole. Elles ne peuvent prendre vie que dans les mots.
Cette langue absurde et comique, poussée à l’extrême, dénonce l’individualisme ambiant des sociétés contemporaines où, de plus en plus, la devise « chacun pour soi » est adoptée par tous. Ce repli sur soi, d’une actualité saisissante, méritait d’être mis en scène.
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« Ils nous ont mis au monde en s’envoyant en l’air et nous sommes incapables de voler. »
Werner SCHWAB