Trust

Trust

de Falk RICHTER

Objet nocturne numéro 

24
1h30
création 2014 – spectacle en français sous-titré en anglais
Film réalisé par Stéphane Henry

Notes & textes 

Le Groupe Merci s’est engagé dans un théâtre qui traque la possibilité de parler politique ; Désobéissance (2008), Génie du proxénétisme (2010), À notre chère disparue, la Démocratie (2011).

Nous menons une quête de formes encore capables de poser les pieds dans le pré carré de nos « harmonisateurs politiques ». Car nous constatons que nos instances démocratiques se contentent « d’accompagner les consensus », tandis qu’une déréalisation du monde est à l’œuvre.

Il reste donc au théâtre à s’engager et à faire le constat de cette « catastrophe immanente au système » selon l’expression du dramaturge Falk Richter.

C'est donc avec Falk Richter qui écrit pour des “Woyzeck” contemporains, vivant sous nos yeux dans un monde exsangue en décompensation perpétuelle, que nous allons exhiber de nouvelles figures contemporaines, dans leurs perditions, leurs effondrements intérieurs.
Exhiber leurs implosions mentales.

Joël FESEL

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La pièce de Falk Richter radiographie les psychismes d’aujourd’hui, que l’on contemple à la loupe.

On y voit des identités fragmentées et de pauvres tentatives de rapprocher fébrilement les morceaux épars (tant le risque de dépersonnalisation est grand) ;
On y voit la perte de confiance ;
On y voit la peur de l’avenir (puisque tout est insécurisant, comme la valeur de l’argent qui s’effondre) ;
On y voit la peur de n’avoir plus de valeur justement (puisque tout se mesure aujourd’hui à l’aune du marché) ;
On y voit la peur de n’être rien (pressés par la double injonction du « sois toi-même, réalise-toi, trouve ta voie », celle de « il faut gagner ta vie », et la difficulté de vivre une vie vouée à l’efficacité) ;
On y voit la peur de ne pas être à la hauteur (la barre est si haute) ;
On y voit la peur de la liberté : tout semble possible donc le choix est impossible (d’autant que la guerre économique se durcit) ;
On y voit l’angoisse paradoxale sans doute d’être sans Dieu, sans maître, sans tiers (l’autorité, où est-elle ?) ;
On y voit la panne du désir (on rêve tant d’absolu) ;
On y voit leurs rêves de pacotille (devenir une icône, une star, une image) pour être de ceux qui réussissent éclairés par la gloire ;
On y voit une solitude à pleurer ;
On y voit leur narcissisme régressif qui les entraîne à remonter le temps jusqu'avant la naissance au risque de disparaître ;
On y voit une solitude à pleurer...

Solange OSWALD

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Extrait

JE SUIS COMME L’ARGENT
« JE N’AI PAS DE POINT DE REPÈRE je n’en ai tout simplement pas JE SUIS COMME L’ARGENT putain je suis comme l’argent je suis tout et partout et personne ne peut apprécier ma valeur et tous les jours il faut vérifier que je vaux encore quelque chose, ça change en fait tous les jours, ma valeur, mes relations avec les autres, et je cours perpétuellement le danger de perdre ma valeur pendant la nuit, je cours perpétuellement le danger que mon cours s’effondre complètement, JE SUIS COMME L’ARGENT, tous veulent m’avoir et beaucoup, mais je n’arrive tout simplement pas à rendre quelqu’un heureux, même s’ils y croient toujours, et je peux aller partout, mais je ne peux tout simplement plus mesurer ma valeur, parce qu’il n’y a plus de lignes directrices, elles sont toutes en train de se dissoudre, JE SUIS COMME L’ARGENT »

Falk RICHTER
Trust,
traduit de l’allemand par Anne Monfort,
L’Arche Éditeur, coll. scène ouverte, 2010

Générique 

Texte :
Falk RICHTER
Traduit de l’allemand par Anne MONFORT,
L’Arche Éditeur, coll. scène ouverte, 2010
(L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté).

Une création du Groupe Merci
Objet nocturne n°24

Mise en scène et conception : Solange OSWALD, Joël FESEL
Collaboration artistique : Pierre DÉAUX
Dramaturgie : Marie-Laure HÉE
Assistante à la mise en scène : Coline CHINAL PERNIN
Création lumière et régie générale : Cyril MONTEIL
Création musicale et régie son : Boris BILLIER
Régie : Silvio MARTINI
Production et diffusion : Céline MAUFRA

Avec :
Catherine BEILIN
Georges CAMPAGNAC
Pierre DÉAUX
Pierre-Jean ÉTIENNE
Gaetano GIUNTA
Sacha SAILLE
Louise TARDIF

Production :
Groupe Merci,
en coproduction avec Pronomade(s) en Haute Garonne – Centre National des Arts de la Rue,
Le Parapluie – Centre International de Création Artistique, Aurillac,
Les Treize Arches – Scène conventionnée de Brive,
Le Parvis – Scène Nationale Tarbes-Pyrénées,
L’Estive – Scène Nationale de Foix et de l’Ariège.

Soutiens :
Adami,
Ville de Toulouse,
Conseil Général de la Haute-Garonne,
Région Midi-Pyrénées.

Accueil en résidence de création :
Le Parapluie – Centre International de Création Artistique, Aurillac,
Pronomade(s) en Haute Garonne – Centre National des Arts de la Rue,
Théâtre National de Toulouse.

Création en août 2014 dans le cadre du Festival International de Théâtre de Rue d'Aurillac.

Parfums de presse 

« Dans un monde si absurde

La Toulousaine Solange Oswald met en scène avec son complice de toujours Joël Fesel la pièce “ Trust ” de Falk Richter. Leur Groupe Merci joue l’œuvre jusqu’à vendredi au TNT. Pour Solange Oswald, il s’agit là “ d’une radiographie des psychismes d’aujourd’hui observés à la loupe ”. Dans un espace restreint, étouffant, tournent en rond des figures catastrophées, des êtres tourmentés, bloqués sur une ligne entre rêve et réalité, pris tantôt dans des états d’excitation extrême, tantôt épuisés. Ils s’abîment et dérapent et leur folie contamine tous leurs discours, nous les rendant comiques, dérisoires.

Ils se montrent, s’exhibent, singeant le narcissisme de leurs contemporains, mais ils sont paumés. Les causes de tout cela ? L’absurdité de l’époque. Une pluie de livres symbolisant la pensée, la connaissance, l’art, le savoir envahit l’espace. Mais que font de ce trésor les personnages de ces trésors ? Rien. Ils ne savent pas s’en servir pour construire un monde meilleur. Tout ça est ravagé, annihilé par la course à l’argent, à la consommation, à l’invasion du virtuel. Un personnage se filme en gros plan comme ces gens qui s’adonnent aux selfies. Leurs crises, leur découragement, montrent des “ moi ” qui vacillent,  des gens qui se cherchent et ont un sentiment d’étrangeté devant le réel qui a perdu son sens ?

Un matin, on se lève et on ne sait plus qui on est, ce qu’on vaut ”, commente Joël Fesel, ni qui est la personne qui partage notre vie et qu’on a choisie. Les histoires d’amour valent-elles tout l’investissement personnel qu’elles impliquent ? Ainsi va la vie, ainsi va la pièce présentée par le Groupe Merci, qui, comme à son habitude, met le doigt là où ça fait mal. »

A.H.
La Dépêche, 28 octobre 2014