Pour Louis de Funès

Pour Louis de Funès

de Valère NOVARINA

Objet nocturne numéro 

16
40'
création 2003

Notes & textes 

Je voudrais qu’on éteigne la lumière sur le théâtre maintenant et que tous ceux qui savent, qui croient savoir, reviennent au théâtre dans le noir, non pour encore et toujours regarder, mais pour y prendre une leçon d’obscurité, boire la pénombre, souffrir du monde et hurler de rire. Souffrir du mètre, du temps, des nombres, des quatre dimensions. Entrer dans la musique.

Valère NOVARINA
Pour Louis de Funès

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En premier lieu, se méfier du titre :

Ce texte écrit par Novarina en 1985 n’est pas seulement un hommage au fameux comédien, et tous les propos qu’on lui prête, y sont d’ailleurs totalement imaginaires. Hommage mais également escamotage, Pour Louis de Funès, permet de dresser un portrait de l’acteur, cet être étrange, « aventurier intérieur, déséquilibriste, acrobate et trépasseur parfait », qui chaque soir se sacrifie en coulisse pour renaître sur le plateau.

Le Groupe Merci et Georges Campagnac tentent donc de relever le défi novarinien d'une disparition de l’acteur – performance délicate pour un acteur qui refuse l’habileté. Sous le regard complice du public : monologue à trous pour corps troués, simulacre d’incarnation, liturgie irrespectueuse, le verbe se fait chair et inversement !

Texte issu du programme de saison du Théâtre Garonne, octobre 2003

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Extrait

... Voilà l’acteur. Il est entré dans la solitude face à tous, il a franchi ses animaux, brûlé ses vêtements coutumiers, jeté l’habit épouvantaux. C’est un déshabillé qui nous parle. Louis de Funès, même tout couvert, on lui voit tout. Malédiction sur nous ! Qu’on lui lance un manteau ! Il n’y a rien de plus nu que l’acteur. Il n’y a pas d’état au monde plus nu, quand il a bien quitté l’humanité et qu’il est entré en solitude face à tous. Quand il a laissé mort son corps en coulisse, tombé. L’acteur n’habite pas son corps comme une maison de famille mais comme une caverne de hasard et passage obligé. C’est peut-être pour ça que les vieux acteurs sont sublimes plus légèrement : parce qu’ils ont déjà commencé dans leur corps le travail de séparation.

Au théâtre il faut savoir réentendre le langage humain comme l’entendent les roseaux, les insectes, les oiseaux, les enfants non parlants et les animaux endormis. Je viens ici entendre refaire une naissance. Je viens revoir ici la vie cachée. Quand je vois l’acteur entrer, je me souviens que j’ai cru avoir passé toute ma vie dans une machine à être sans savoir. Si j’écarquille aujourd’hui vers lui les yeux tellement, c’est pour apercevoir non la lumière sur son corps mais toute la parole qui tombe ; si je l’écoute avec une telle avidité, c'est pas tant pour entendre ce qu’il dit que pour écouter toute une danse qui s’en va. ...

Valère NOVARINA

Générique 

Textes :
Valère NOVARINA
Pour Louis de Funès,
inclus dans le volume Le Théâtre des paroles,
Ed. P.O.L, 1989

Distribution
Mise en scène : Solange OSWALD
Installation plastique : Joël FESEL
Son : Tom A
Régie : Stan MALAFRONTE

Avec :
Georges CAMPAGNAC

Production :
Théâtre Garonne
Groupe Merci

Soutiens :
DRAC Midi-Pyrénées,
Conseil régional Midi-Pyrénées,
Conseil général de la Haute-Garonne,
Mairie de Toulouse.

Création en octobre 2003 au Théâtre Garonne, Toulouse